• L'Esprit du Seigneur est sur moi

    Première prédication de Jésus : Luc 1, 1-4; 4, 14-21
    Autres lectures : Néhémie 8, 1-4a.5-6.8-10; Psaume 18(19); 1 Corinthiens 12, 12-31

     

    pentecote.jpg Quelle bénédiction pour le peuple croyant que la transmission de la Bonne Nouvelle de Jésus vivant à travers les âges, de générations en générations! Quelle grâce les croyants d’aujourd’hui ont d’être le corps du Christ et de vivre, dans le Christ, l’amour et le service des plus dépourvus!

    La transmission de la Bonne Nouvelle

         L’évangéliste Luc trace avec clarté et précision le parcours de la transmission de la Parole.  Mentionnons trois moments. Celui de Jésus, juif de Galilée, parlant araméen, dont l’âge adulte se déroule dans les années 20 de notre ère, pour se terminer entre les années 30-33. Celui des disciples, désignés comme apôtres, ses compagnons d‘origine, ainsi que des prédicateurs missionnaires allant dans les cités grecques s’adressant à des juifs ou non juifs (les Gentils). On peut parler des années 35 à 60. Et, en dernier lieu, le moment de la rédaction des évangiles, après les années 60,  avec aussi des lettres de Paul, écrites dès le début des années 50.

         Dans une première étape, Jésus présente une vision nouvelle et inattendue des personnes et des événements; il proclame son message, accomplit des actes qui relèvent les malades, les estropiés et choisit des disciples qui entendent et voient ce qu’il fait et dit.

         Dans un deuxième temps, les apôtres en prenant conscience de qui était Jésus, grâce à l’événement bouleversant de la résurrection, affermissent leur foi en Jésus. Par cette foi aguerrie, plus riche et plus approfondie, et, puisant dans leurs souvenirs de tout ce que leur Maître a dit et accompli, ils proclament la présence de Jésus ressuscité. Il va sans dire que les prédicateurs rencontrent des situations et des problèmes nouveaux, auxquels Jésus n’a jamais été confrontés, ce qui impose une reformulation qui tienne compte de l’auditoire. Cette prédication préserva et garda la tradition de Jésus bien vivante.

         Le troisième moment vit apparaître les saints auteurs-rédacteurs des évangiles, de l’an 65 à 100 : Marc, compagnon de Pierre. Matthieu, Luc, compagnon de Paul, et Jean, qui n’étaient probablement pas des témoins oculaires, selon les dires des exégètes. L’autorité de chaque évangile repose sur la tradition qui remontait évidemment à celle des apôtres.

         Ce développement de la tradition de Jésus au premier siècle, sur lequel s’appuie la doctrine de foi chrétienne peut nous réjouir grandement aujourd’hui puisqu’elle montre comment de siècles en siècles, l’immense assemblée du peuple croyant adhère au Christ.

    La mission de Jésus

         L’évangéliste Luc note que Jésus, après l’épreuve du désert, habité par une passion qui le porte, revient en Galilée, envoyé par la puissance de l’Esprit (v. 14). Comme tout juif adulte pouvait le faire, il reçoit avec humilité la parole biblique à commenter. Ailleurs, on était saisi par son enseignement : Car il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes (Marc 1, 22).  Ici, l’accent de nouveauté se révèle avec force. Bien sûr les prophètes, entre autres Isaïe et Jean le Baptiste, ont annoncé que le Royaume de Dieu approchait, mais jamais la proximité du Règne ne s’est manifestée autant qu’en Jésus, l’Envoyé qui connaît Dieu le Père et avec qui il vit une relation singulière et unique. En Lui, une réalité radicalement nouvelle surgit, faisant éclater les promesses antérieures. Aussi, lorsqu’il affirme que cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit  (v. 21), il met en pleine lumière le sens de sa mission.

         Jésus connaît le contexte politique et social de son époque : les abus de pouvoir et la dureté des fonctionnaires romains, la corruption. Aussi, son regard se porte sur les faibles, les humiliés et les sans-recours. Son choix est définitif. Il va côtoyer et aider les petits que les autorités civiques et parfois même religieuses regardent avec suffisance et dédain.

         Les défavorisés ont bien saisi de quelle étoffe était ce maître au verbe décisif, ils veulent l’entendre. Ils apprendront avec le temps que le maître Jésus qui s’inscrit dans la lignée des prophètes d’Israël, n’est pas venu instaurer un royaume terrestre  (Luc 24, 21), mais il est le libérateur de toutes les détresses humaines, il offre un avenir de liberté et de dignité, il souhaite que tout humain fasse une expérience débordante d’intimité et de communion avec le Père.

    L’aujourd’hui du salut

         Cette expression ponctue l’évangile de Luc (2, 11; 3, 22; 4, 21; 5, 26; 19, 9; 23, 43). L’épisode de Zachée s’avère très lumineux pour nous : à un moment de sa vie, la grâce le transforme et il modifie radicalement sa conduite (19, 9). C’est à tout moment, hier comme aujourd’hui, que Dieu  rencontre ses enfants personnellement. Il les attend, entre autres, dans l’écoute de la Parole : Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole?... Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur! (Psaume 95). Ne sommes-nous pas particulièrement privilégiés de recevoir le sacrement de la Parole et l’interprétation qu’en fait l’homéliste, dans nos assemblées dominicales?

         L’aujourd’hui du salut s’étend à tous les humains de toutes conditions, races et nations, à toutes les époques et à toutes les générations. Quel est l’aujourd’hui du salut pour nous du 21e siècle, nous, croyants et croyantes qui professons que Jésus ressuscité est notre Sauveur et le Sauveur de tous les humains?

         L’apôtre Paul, dans sa Première lettre aux Corinthiens, éclaire nos intelligences et nos cœurs en choisissant une comparaison, celle du corps humain dont tous les membres sont au service de l’ensemble. Dans le corps du Christ que les communautés croyantes forment, chaque individu est unique avec  ses dons et ses faiblesses; chacun est différent et a besoin de l’autre; chacun est ordonné à l‘unique corps, qui est une réalité de foi. C’est ensemble, dans l’ouverture et le service, que la communauté forme l’image de Dieu.
     
         Il en découle que le chrétien qui a été touché au tréfonds de son cœur par la mission de Jésus auprès des démunis, qui intègre le regard du Christ sur les membres souffrants  ne peut se dresser avec arrogance ou indifférence face aux pauvres. Chaque personne croyante est le frère ou la sœur du pauvre qui a droit au respect et est indispensable, comme chacun des autres membres de la communauté (vv. 22-23).

     

    Julienne Côté cnd

    Collège Régina Assumpta, Montréal

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  • L'Ancien Testament, on ne saurait s'en passer

    Lampe.gifEn annonçant que la nouvelle chronique Exploration allait principalement vous conduire sur des chemins souvent inexplorés de l’Ancien Testament, vos réactions ont peut-être été partagées entre la déception et la satisfaction. Déception parce que, comme le pensent beaucoup de catholiques, l’Ancien Testament n’a plus sa raison d’être à cause de Jésus Christ; satisfaction parce que des brèches allaient enfin être percées dans le mur de méconnaissance qui entoure ce monument imposant de la Bible. Est-il encore nécessaire de lire l’Ancien Testament? La réponse est oui.

    Le quartier historique de la Bible

        Je comparerais l’Ancien Testament au quartier historique de certaines grandes villes. Pensons au Vieux-Québec ou au Vieux-Montréal où il fait bon circuler dans les rues étroites, flâner sur les petites places, admirer l’architecture des vieilles maisons. Qui est allé en Terre sainte aura été saisi par la vieille ville de Jérusalem où la vie est loin de s’être arrêtée. Ces quartiers historiques sont importants car ils rappellent les origines de la cité actuelle; ils nous permettent de relire notre histoire et de reprendre contact avec nos racines. Ainsi en est-il de l’Ancien Testament qui témoigne de la longue histoire de l’alliance de Dieu avec l’humanité, alliance qu’il a amorcée en choisissant le peuple d’Israël comme premier partenaire et qu’il a renouvelée en Jésus Christ en faveur de toutes les familles de la terre.

        Dans la Constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum), les Pères du Concile Vatican II s’exprimaient ainsi :

        « Le Dieu très aimant, envisageant et préparant avec soin le salut du genre humain tout entier, s'est choisi, selon un plan tout particulier, un peuple auquel il confierait ses promesses. Ayant en effet conclu une alliance avec Abraham, puis par l'intermédiaire de Moïse avec le peuple d'Israël, il s'est révélé de telle manière par des paroles et par des actions comme le Dieu unique, vrai et vivant, au peuple qu'il s'était acquis, qu'Israël connût par expérience quels étaient les cheminements de Dieu avec les hommes, et que, Dieu lui-même parlant par la bouche des Prophètes, il les comprenait de jour en jour plus profondément et plus clairement, et les faisait connaître plus largement parmi les nations.

        « L'économie du salut annoncée, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît comme vraie parole de Dieu dans les livres de l'Ancien Testament ; aussi ces livres divinement inspirés gardent-ils une valeur perpétuelle : En effet tout ce qui a été écrit, le fut pour notre instruction, afin que la constance et la consolation que donnent les Écritures nous procurent l'espérance(Romains 15, 4). » (Dei Verbum no 14)

        Parler de l’Ancien Testament comme du quartier historique de la Bible ne signifie pas pour autant qu’on doive le considérer comme une antiquité. Le mot « Ancien » prête à confusion car il fait penser à quelque chose de vieux, tout comme le mot « Testament » qui fait référence aux dernières volontés de quelqu’un. On rencontre de plus en plus souvent les expressions « Premier Testament » et « Première Alliance ». Cette dernière a le mérite de bien traduire le mot grec diathèkè (« alliance ») d’une part, et d’autre part de mieux faire voir que nous sommes les partenaires de l’alliance que Dieu a offerte en tout premier lieu à Israël, et qu’il a étendue à l’humanité entière lorsqu’il l’a renouvelée en Jésus Christ. Notre Nouveau Testament devient alors le livre de la Nouvelle Alliance.

        « L'économie de l'Ancien Testament était organisée par-dessus tout pour préparer la venue du Christ Rédempteur de tous et du Règne messianique, pour l'annoncer prophétiquement et la présager par diverses figures. Les livres de l'Ancien Testament présentent à tous, selon la situation du genre humain avant le salut apporté par le Christ, une connaissance de Dieu et de l'homme et des méthodes dont Dieu, qui est juste et miséricordieux, agit avec les hommes.

        Ces livres, bien qu'ils contiennent des choses imparfaites et provisoires, montrent pourtant la vraie pédagogie divine. Aussi ces mêmes livres, qui expriment un sens vivant de Dieu, dans lesquels sont dissimulés des enseignements élevés sur Dieu, une sagesse profitable sur la vie des hommes et de magnifiques trésors de prières, dans lesquels enfin est caché le mystère de notre salut, doivent être reçus avec piété par les chrétiens ». (Dei Verbum no 15)

        Bien qu’il nous arrive parfois de constater l’existence d’un fossé culturel avec l’univers de la Première Alliance, nous n’avons pas à nous sentir comme des étrangers. De même que nous essayons de nous imaginer le mode de vie de nos ancêtres quand nous circulons dans les vieux quartiers de nos villes, il peut en être ainsi quand nous plongeons dans la société ancienne des temps bibliques. Il y a tout un monde à découvrir.  

     

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    Yves Guillemette prêtre

    Source: Le Feuillet biblique, no 2195. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal

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    Un récit bizarre...

    Lesigne de l'eau changée en vin : Jean 2, 1-11 
    Autres lectures : Isaïe 62, 1-5; Psaume 95(96); 1 Corinthiens 12, 4-11

      noce de cana
    (source de l’image
    http://imagessaintes.canalblog.com)

    Voilà un bien surprenant récit de noces! À une noce, on s'attendrait à entendre parler des époux. Or, ces époux restent anonymes! Et encore, de l'épouse, on ne dit pas un mot! L'ordre d'apparition des personnages est également curieux : La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples (Jean 2,1). Jésus n'apparaît qu'en second lieu, invité par dépit, dirait-on. Les dialogues sonnent aussi étranges. Et que font ces jarres de purification des Juifs dans une salle de noces? Mais le plus curieux de tout, c'est la fin du récit : Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui(Jean 2,11). N'est-il pas étrange que le premier signe qui manifeste sa gloire ait été un geste ayant si peu d'incidences sur le salut du monde, soit celui de sauver une « fête » qui risquait de finir trop tôt? Non, vraiment, en ne restant qu'au sens littéral, on ne comprendra pas grand'chose, sinon que Jésus, capable de changer l'eau en vin, semblait posséder un pouvoir surnaturel. Mais est-ce vraiment cela que Jean cherche à nous révéler de Jésus?

    La profondeur johannique

         Nous sommes en présence d'un texte johannique, donc d'un texte à plusieurs niveaux de compréhension, d'un texte habilement construit comme Jean sait le faire: chaque mot est placé, chaque élément symbolique déposé, comme pierre de mosaïque, avec précision dans l'ensemble. Il faut donc en décortiquer un par un les éléments symboliques pour entrer dans la vérité théologique du texte.

    Un doigt pointé vers la croix

         Notez d'abord tous ces détails du texte qui pointent vers le sommet du quatrième évangile, soit « l'heure de Jésus » qui, pour Jean, est la croix. Les premiers mots du texte, Le troisième jourréfèrent sans ambiguïté à la résurrection de Jésus. La présence de la mère de Jésus, présente qu'à deux seuls endroits dans l’Évangile de Jean, ici et au pied de la croix, pointe aussi vers la mort-résurrection de Jésus. Notez également qu’à ces mêmes deux occasions, elle sera appelée « Femme » par son fils.  La mention de l'heure dans la bouche de Jésus va dans le même sens. Ici, elle n'est pas encore venue, mais elle sera pleinement achevée justement à la croix. La croix, qui sera le grand signe par lequel Jésus manifestera pleinement sa gloire, se trouve donc ici anticipée par ce premier signe, dévoilant déjà un peu sa gloire. Tous ces indices nous aiguillonnent sans doute vers une compréhension « pascale » du récit. Autrement dit, plus qu'un récit anecdotique rapportant un miracle de Jésus, il s'agit sans doute d'un texte qui veut nous parler de la nouveauté apportée par la mort-résurrection de Jésus.

    L'autre doigt pointé vers l'alliance

         Autres choses à considérer, les motifs symboliques des noces, du vin et de l'Époux, sont présents dans l'Ancien Testament et jouent leur rôle dans la compréhension profonde du texte. Dans l'Ancien Testament, l'allégorie conjugale est très présente (on en a d'ailleurs un exemple en première lecture de ce dimanche), l'Époux étant Dieu, marié à son épouse, le peuple d'Israël (épouse souvent infidèle), avec qui Dieu veut faire et refaire alliance. Les noces et le vin ajoutent les dimensions amoureuse et joyeuse dans lesquelles se nouent cette alliance. Les noces et le vin sont aussi associés symboliquement à l'arrivée des temps messianiques. Les prophètes de l'Ancien Testament appelaient à un renouvellement de l'Alliance, jadis nouée au Sinaï, entre Dieu (l'Époux) et Israël (son épouse) et entrevoyaient celui-ci pleinement réalisé à la venue prochaine du Messie. Noces, vin et Époux pointent donc vers un contexte d'alliance. Avec tout ce vin que procure Jésus dans notre récit, cela voudrait-il dire qu'il est ce Messie?

    La mère présente aux Noces avant Jésus

         Il n'est pas rare dans la Bible qu'une femme personnifie un peuple entier. La mère de Jésus, présente aux Noces avant l'arrivée de Jésus, ne représenterait-elle pas Israël avec qui Dieu avait déjà noué une alliance, Israël en attente du Messie qui renouvellerait l'alliance? Cette mère, le Judaïsme, constate le manque de vin, constate le manque de joie, constate que la première alliance avait donné ce qu'elle avait à donner. À preuve qu'elle symbolise le peuple en attente, cette mère parle le même langage qu'Israël. En effet, le Faites tout ce qu'il vous dira mis dans la bouche de Marie s'apparente étrangement aux paroles que dit Israël au pied du Sinaï, lorsque Moïse lui propose d'entrer dans la première alliance (voir Exode 19,8). La mère de Jésus appelle les serviteurs à entrer dans une nouvelle alliance en faisant désormais tout ce que dira Jésus, son fils.

    Des cuves remplies de vin nouveau

         Les cuves dans la salle de noces? Bizarre! Il est précisé que ces jarres servaient aux rites de purification des Juifs. Si elles sont vides, c'est qu'elles ne peuvent plus remplir leur rôle de purification. En plus, elles sont au nombre de six, chiffre biblique symbolisant l'imperfection. Par ces détails, l'auteur ne suggère-t-il pas la désuétude du judaïsme, ne suggère-t-il pas que les rites juifs n'arrivaient plus à procurer une véritable purification, un vrai pardon des péchés de la part de Dieu. Et, par quoi ces cuves seront-elles remplies? Par le vin nouveau que Jésus procure. Un vin (peut-être aussi un sang) d'alliance nouvelle et éternelle, versé pour la multitude en rémission des péchés, cela nous semble familier? Et si l'auteur cherchait à nous dire que c'est par la croix de Jésus, son sang versé, que, désormais, le pardon, la véritable purification, nous était donné? Et que l'eucharistie nous donne de goûter aux fruits de la croix?

    L'époux n'est pas celui qu'on croit

         Les noces, au temps de Jésus, duraient près d'une semaine et c'était le rôle de l'époux de voir à ce qu'il y ait du vin en quantité suffisante pour toute la durée de la fête. Or, qui, dans notre récit, procure le vin de la noce? N'est-ce pas Jésus qui se substitue à l'époux? Jean essaie-t-il de nous dire que Jésus est l'Époux, rôle joué par Dieu dans l'Ancien Testament, affirmation subtile mais bien réelle de la divinité de l'homme Jésus?

    Des noces de Cana... aux noces messianiques

         Maintenant qu'on comprend tout cela... tentons une synthèse du message si riche de ce petit récit. Et si l'évangéliste voulait se servir d'un épisode de la vie de Jésus, sa présence à des noces quelque part en Galilée, pour nous parler en fait de noces d'un autre ordre? Pour nous dire que Jésus est bien ce Messie qu’attendait Israël (figurée par la mère de Jésus), le Messie qui apporte une plénitude de joie (de vin), un Messie dont la croix sera la glorification et la source d’un pardon véritable. Et que ce Messie est aussi l’Époux qui refait alliance avec un nouveau peuple, le peuple des serviteurs, de ceux qui croient en lui.

    L'allégorie conjugale 
    Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu (Isaïe 62, 5)

         Voilà un des nombreux passages de l’Ancien Testament qui recourt à l’allégorie conjugale pour parler de la relation d’amour entre Dieu et son peuple. Dieu tient toujours le rôle de l’Époux et Israël, celui de l’épouse que, malgré toutes ses infidélités à l’Alliance, Dieu veut toujours reconquérir. Ce thème des noces parcourt la prédication de nombreux Prophètes (voir par exemple : tout Osée;Is 54,1-8; Jr 2,2; Ez 16). Ce passage offre un parallèle naturel avec l’évangile des Noces de Cana où Jésus est révélé comme l'Époux de la nouvelle Alliance.

     

    Patrice Bergeron, ptre, bibliste 
    Vicaire paroissial, Montréal

     Source: Le Feuillet biblique, no 2213. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

    Source www.interbible.com

     


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    Alors le ciel s'ouvrit

    L'annonce du Messie : Luc 3, 15-16.21-22 
    Autres lectures :
     Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103(104); Tite 2, 11-14; 3, 4-7

     

    Le baptême est devenu le rite d’initiation chrétien par excellence, au point que dire « baptisé » équivaut à dire « chrétien ». À l’origine de ce rite, il y a Jean « le baptiseur » et Jésus de Nazareth, le « baptisé » le plus connu. Que nous apprennent les récits bibliques au sujet du sens de ce rite?

    Le baptême de Jean

         Les évangélistes rapportent tous le baptême de Jésus dans le Jourdain, mais chacun à sa façon. « Baptême » veut dire « plongée », littéralement. Le prophète Jean plongeait les gens consentants dans le fleuve, faisant de ce lavement intégral un rite de purification radical. Jean appelait Israël à la conversion et il dénonçait le péché de son peuple, du plus humble de ses membres jusqu’aux autorités, comme le roi Hérode, qui finit par le faire exécuter. S’éloignant du Temple de Jérusalem, de la caste des prêtres et des rites de purification prévus, Jean a l’audace de proposer un nouveau rite, dans la nature, dans une zone désertique, loin des lieux sacrés et usuels pour le culte. Jean propose de rencontrer Dieu dans le désert, comme aux débuts de l’histoire d’Israël. Le dépouillement du désert oblige les gens à regarder ce qu’ils sont véritablement, les choix qu’ils font, ce qu’ils portent en eux-mêmes et ce qu’ils apportent à la vie de leurs semblables. La parole prophétique de Jean aide à révéler les cœurs repentants à eux-mêmes, mais elle révèle aussi la miséricorde de Dieu, puisque Jean offre un geste à poser qui dit que tout est encore possible, pour qui veut repartir à neuf.

    Le baptême de conversion

         En effet, la plongée dans le Jourdain simule la noyade de l’individu et signifie la mort du pécheur. Le baptisé émerge des eaux comme une nouvelle personne, propre et sans tâche morale, résolument décidée à mener une bonne vie, qui plaise à Dieu. La participation au baptême est un signe public de conversion, au sens le plus fort possible du terme. Le baptême est une confession publique du péché et un engagement public à changer de vie. La personne baptisée reconnaît devant tous son besoin de salut et elle accueille humblement le pardon divin. Le baptême exprime la volonté d’un changement de vie, une fois pour toutes. Par le baptême, la personne baptisée a droit à un nouveau départ. Le baptême devient ainsi le symbole d’une nouvelle naissance de l’individu, par la grâce de Dieu.

    Jésus, baptisé dans l’Esprit

         À cause du lien rituel avec la conversion et le pardon des péchés, le baptême de Jésus de Nazareth a troublé les évangélistes. Comment le Messie, Fils de Dieu, pouvait-il se plier à un rite de purification pour les pécheurs? Visiblement mal à l’aise avec cette tradition du baptême de Jésus, les évangélistes offrent une réinterprétation théologique de l’événement historique : le baptême auprès de Jean est le moment où l’Esprit Saint descend sur Jésus, afin qu’il puisse accomplir sa mission. C’est aussi le moment où Dieu fait savoir que Jésus est son Fils, grâce à la voix qui se fait entendre du ciel.
    Luc signale que le peuple était en attente du Messie et que certains se demandaient si ce ne serait pas Jean, finalement, qui comblerait cette attente. Jean annonce alors qu’un personnage plus puissant que lui viendrait. Fort de l’Esprit Saint, le Messie offrirait un baptême de feu. Arrive ensuite Jésus, qui reçoit l’Esprit Saint et la reconnaissance divine à son baptême. Les paroles venant du ciel sont une citation du
     Psaume 2,7 : C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Le psalmiste désigne ainsi le roi d’Israël comme Fils de Dieu. Au moment où le roi est «oint» pour sa mission, il est comme engendré de Dieu, devenant une sorte de fils adoptif. En évoquant ces propos, Luc fait du baptême de Jésus une intronisation royale. Jésus de Nazareth est le Messie attendu.

         Le baptême fait de Jésus le Christ et de nous, des chrétiens. Si Jésus renaît de Dieu pour sa mission royale, ainsi nous, nous renaissons de Dieu pour suivre les traces du Christ, qui a marché devant nous. Baptisés, nous exprimons notre désir de conversion, notre accueil du salut de Dieu et notre volonté à suivre le Christ, jusqu’au bout de la mission royale, qui est de consacrer sa vie au service des plus mal pris. Le baptême permet au ciel de s’ouvrir et de déverser les bénédictions divines sur terre. L’Esprit Saint est la force que Dieu confère aux baptisés pour se mettre au service des petits de ce monde.

    Jésus, le bon berger 
    Comme un berger, il conduit son troupeau (Isaïe 40, 1-11)

         Vivant en exil à Babylone, les Israélites étaient comme des brebis sans berger, loin des riches pâturages de la terre promise. La voix du prophète s’élève alors dans le désert et annonce un événement heureux, une « bonne nouvelle » : Le Seigneur Dieu viendra lui-même à la rencontre de son peuple et les conduira à nouveau vers la Palestine. Comme jadis les Hébreux avaient bénéficié du salut divin, apporté par l’intermédiaire de Moïse, ainsi les exilés reconnaîtront la présence de Dieu parmi eux, lorsque le Seigneur les rassemblera, les portera sur son cœur et en prendra soin comme un berger. Comme les autres évangélistes, Luc voit en Jean Baptiste l’actualisation de cette voix prophétique qui proclame la bonne nouvelle depuis le désert. Comme les autres évangélistes, Luc présente Jésus à son baptême comme le berger que Dieu envoie pour conduire son troupeau vers les eaux pures du salut.  

    Nous sommes renouvelés par le baptême 
    Par le bain du baptême, il nous a fait renaître (Tite 2, 11-14; 3, 4-7)

         La voix de Paul se fait aussi entendre à travers celle de son disciple, dans cette lettre envoyée à Tite. Les cieux se sont ouverts au baptême de Jésus. La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes (Tite 2,11). Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et sa tendresse pour les hommes; il nous a sauvés (Tite 3,4-5). Si le disciple de Paul s’exprime avec autant de certitude, c’est que pour lui le double baptême consenti par Jésus : dans l’eau, au Jourdain, et dans le sang, au Calvaire, nous purifie de toutes nos fautes. Il nous a sauvés (Tite 3,5) et nous pouvons désormais vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux (Tite 2,12). Nés à nouveau par le bain du baptême, nous avons été renouvelés grâce à l’Esprit Saint, présent au baptême de Jésus et au nôtre. Le ciel s’est ouvert pour nous!

     

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    Source: Le Feuillet biblique, no 2212. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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  • Chemins de foi roi-mage.jpg  

    La visite des mages : Matthieu 2, 1-12 
    Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72)Éphésiens 3, 2-3a.5-6

     

    On connaît, chez au moins deux auteurs latins de l'Antiquité, des récits de Mages perses qui, ayant vu se lever une étoile, se mirent en route vers Rome pour honorer l'empereur Néron! Et qui, une fois l'avoir fait, rentrèrent dans leur pays « par un autre chemin ». Familier, non? L'histoire des Mages serait donc un beau conte connu des peuples de l'Antiquité. De même qu’est répandue, à cette même époque, la croyance selon laquelle, lors de la naissance d'un grand personnage de l'humanité, une étoile apparaissait dans le ciel.

         Que faut-il en conclure? Que Matthieu - le seul des évangélistes d'ailleurs à nous raconter ce récit des Mages - plagie? Qu'il nous trompe? Et j'entends déjà les inquiétudes : « Si ce récit n'est pas « historique », à quoi peut-on alors se fier dans les Évangiles? » Attention! Matthieu ne veut pas nous tromper, mais nous dire la vérité à propos de cet enfant qui vient de naître à Bethléem, mais parfois - et souvent dans la Bible - la vérité peut être dite autrement que par un récit exact de type journalistique.

         Matthieu récupère donc une histoire d'étoile et de Mages connue du 1er siècle, pour nous dire la vraie royauté de Jésus. C'est une théologie en images qui nous est servie en cet évangile de l'Épiphanie. Si Matthieu choisit de « recycler » cette histoire des Mages et de la placer au début de son évangile, c'est qu’elle lui offre une introduction remarquable qui lui permet à la fois d’affirmer l’identité (royale, messianique et divine) de Jésus, tout en exposant symboliquement des thèmes qui lui sont chers dans l’ensemble de son évangile : le refus des juifs de reconnaître en Jésus leur messie, l’accomplissement des Écritures, l’annonce de l’Évangile à toutes les nations (Mt 28,19).

    Une étoile révélatrice

         Symboliquement la levée de l’étoile « parle » aux païens comme aux Juifs, mais différemment, c'est-à-dire qu'elle révèle à chaque groupe quelque chose du mystère de Jésus. Aux païens, l'étoile dit la naissance d'un roi (selon la croyance antique ci-haut mentionnée), en veut pour preuve la demande des Mages arrivant à Jérusalem : Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui (Mt 2,2). En même temps, le fait que l'étoile leur soit apparue à eux, des Mages d'Orient et donc des païens, montre bien qu'eux aussi sont « élus », invités à accueillir le Messie promis à Israël. Le récit des Mages dit bien, qu’en Jésus, le salut est ouvert à l’univers et non plus simplement à Israël.

         Aux Juifs, l'étoile et la venue des Mages disent autre chose. Cette étoile se trouve dans la Bible plutôt que dans le ciel.  Plus précisément l'étoile apparaît dans une prophétie du livre des Nombressortant de la bouche de Balaam, un curieux Mage païen (Tiens donc! Lui aussi!), qui prédira ceci :Je le vois, mais ce n'est pas pour maintenant; je l'observe, mais non de près: De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre... (ou : un homme, selon la version grecque de la Septante). Cette étoile de Jacob est donc un homme que la tradition juive associait au roi David et au Messie devant venir, issu de sa lignée. Cette étoile qui se lève, c'est Jésus lui-même qui naît à Bethléem selon les Écritures, comme David son aïeul.

         Puis la venue des Mages de pays lointains convergeant vers Jérusalem en portant leurs richesses n'est pas sans évoquer d'autres textes de l'Ancien Testament que les Juifs connaissaient, textes associés au bonheur qui accompagnera l'arrivée des temps messianiques. La première lecture (Isaïe60,1-6) et le psaume (Ps 71(72)) de ce dimanche fournissent deux exemples de ces « joyeuses » annonces de temps meilleurs : Les trésors d'au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations... Tous les gens de Saba viendront, apportant l'or et l'encens et proclamant les louanges du Seigneur (Is 60,5-6).Et encore : Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents... Tous les rois se prosterneront devant lui (Ps 71(72),10-11). Aux Juifs, cette étoile et ces Mages désignent clairement Jésus comme le Messie promis, accomplissant les Écritures.

    Passage obligé: Jérusalem et les Écritures!

         L'étoile et la science des Mages seules n'ont pas suffi à les guider vers l'enfant Messie. Pour arriver à Jésus, il leur a fallu passer par Jérusalem (lieu symbolisant le Judaïsme) et consulter les Écritures du Premier Testament. Symboliquement, comprenons que, pour trouver la vraie lumière, le vrai visage de Dieu, pour arriver à se prosterner devant Jésus (c'est-à-dire le reconnaître comme Dieu), le croyant en quête spirituelle ne peut faire autrement que de passer par la tradition biblique dont Jésus est l'accomplissement.

    D'étranges cadeaux à offrir à un nouveau-né?

         S'ils nous semblent étranges, c'est sûrement qu'ils ont une valeur symbolique. En fait, ces cadeaux nous enseignent encore Jésus. En donnant de l’or, ils disent la royauté universelle de Jésus, Christ Roi. En donnant de l’encens, parfum qu'on faisait brûler au Temple pour adorer Dieu, ils disent la divinité de Jésus. En offrant la myrrhe, résine odorante avec laquelle on embaumait les morts, ils annoncent, dès sa naissance, la passion et la mort que Jésus devra subir pour entrer dans sa gloire de Ressuscité.

    Marche de joie ou immobilisme inquiet?

         Les positions, les démarches, les attitudes des personnages sont aussi très révélatrices de sens dans ce récit. Les Mages sont en recherche, ils se mettent en marche, ils éprouvent une très grande joie (Mt 2,10) lorsqu'ils arrivent au but de leur quête, et, après avoir rencontré le Christ et l'avoir adoré, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin (Mt 2,12). Dans leur voyage, comment ne pas y voir, symbolisé, l'itinéraire même de la foi et de la rencontre du Christ, rencontre qui vient parfois au terme d'un long cheminement, qui sème en nous une très grande joie qui nous transforme et nous fait regagner notre pays (notre quotidien), par de nouveaux chemins, ceux de l'amour? Au contraire, Hérode, les chefs des prêtres et scribes d'Israël, eux qui savent où doit naître le Messie, restent à Jérusalem, immobiles, figés d'inquiétude. Dans cette sclérose et cette inquiétude de tout Jérusalem, qui fait si bien contraste avec la mobilité et la joie des Mages, comment ne pas voir, illustrée symboliquement par Matthieu, la situation bien concrète que vit et constate la jeune communauté de l'Église à la fin du premier siècle: le rejet de Jésus comme Messie par le judaïsme officiel, les relations tendues avec les Chrétiens en même temps que l'arrivée massive de païens dans l'Église naissante?

    Au terme de l'histoire

         Au terme de cette analyse sommaire, avec tout ce qu'évoque symboliquement ce récit, pardonne-t-on maintenant à Matthieu de nous avoir « raconté » une histoire aussi criante de « vérités » sur Jésus, sur l'Église, et sur nos vies de disciples?

    Lumière et trésors 
    (Isaïe 60,1-6)

         Sans doute que Matthieu avait ce texte en tête lorsqu'il remanie l'histoire des Mages. Il y est question de lumière qui se lève et de nations qui se mettent en marche vers Jérusalem, lui apportant ses trésors. Paradoxalement, ce texte de « lumière » apparaîtra dans une période de grande noirceur pour Israël: le difficile retour d'exil à Babylone. Paradoxalement, ce texte qui nous parle de richesses apparaîtra en période de grande pauvreté pour Israël : après des décennies d'exil qui l'auront blessée, détruite, pillée, Jérusalem est à rebâtir. Le prophète console son peuple par une joyeuse annonce de jours meilleurs à venir, il voit venir la fin de la nuit.

    "...associés au même héritage"
    (Éphésiens 3,2-3a.5-6)

         Cet extrait de la Lettre aux Éphésiens dit, en langage logique, ce que nous dit l'évangile des Mages en langage symbolique : à savoir que l'entrée dans l'Église des nations païennes, l'élargissement du salut à l'ensemble de l'humanité par l'annonce de l'Évangile est, non seulement voulu par Dieu, mais fait partie de son plan mystérieux.

     

    Patrice Bergeron, ptre, bibliste 
    Vicaire paroissial, Montréal 
    source www.interbible.org  
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  • Jésus, Marie et Joseph ont connu la maison récemment découverte à Nazareth
    Entretien avec le directeur de l´Association Marie de Nazareth

    nazareth.jpg ROME, Vendredi 25 décembre 2009 (ZENIT.org) - Une maison du temps de Jésus vient d'être découverte à Nazareth (cf.Zenit du 20 décembre) à l'endroit où l'Association « Marie de Nazareth » est actuellement en train de construire un centre international multimédia consacré à Marie. Pour mieux comprendre le contexte de cette découverte et ses enjeux, ZENIT a interviewé Olivier Bonnassies, directeur exécutif de l'Association.

    ZENIT - L'annonce, par les archéologues israéliens de l'Israël Antiquities Authority, de la découverte d'une maison du temps de Jésus à Nazareth a fait le tour du monde. Dans quel contexte cela s'est-il produit ?

    O. Bonnassies - L'Association Marie de Nazareth que nous avons créée en France en mai 2001 construit en ce moment le Centre international Marie de Nazareth, qui proposera bientôt aux pèlerins, aux touristes et aux habitants de la Terre Sainte, de découvrir le mystère de la Mère de Dieu et l'ensemble de la foi chrétienne à partir de parcours multimédias modernes. Nous avons pour cela acheté 3 bâtiments en face de la Basilique de l'Annonciation, au cœur de Nazareth, et 2 autres bâtiments, de l'ancienne école Saint Joseph, sont loués aux Sœurs de Saint Joseph de l'Apparition. La cour de cette ancienne école a été creusée d'environ 3 mètres pour les travaux actuellement en cours, et les ouvriers sont tombés sur des murs anciens. Les travaux ont donc été stoppés et les archéologues israéliens sont alors intervenus.


    ZENIT - Comment se sont déroulées les fouilles ?

    O. Bonnassies - Elles se sont faites à nos frais, sous la direction de M. Dror Barshod, directeur du District Nord de l'Israël Antiquities Authority. La responsable des fouilles, Yardenna Alexandre, et son équipe, ont commencé par fouiller un premier carré de 10 mètres de côté environ en septembre 2009. Comme les résultats se sont révélés très intéressants, un deuxième carré a été dégagé, entre novembre et décembre 2009. Yardenna est une grande spécialiste qui a travaillé dans la plupart des derniers chantiers de Galilée et ses conclusions ont été validées par le P. Eugenio Alliata, qui est le meilleur spécialiste franciscain, ainsi que par le P. Frédéric Manns, du Studium Biblicum Franciscanum, qui suit aussi les choses de très près. Aujourd'hui, après avoir pris conseil auprès d'eux, nous envisageons évidemment de poursuivre les recherches sur les autres parties de la cour d'entrée, pour dégager un autre des murs de la maison, mais nous allons attendre la saison sèche, pour faire les choses dans les meilleures conditions. Ce sera plus facile pour trouver des monnaies ou d'autres céramiques.
     

    ZENIT - Qu'est-ce qui a été découvert sur place ?

    O. Bonnassies - Le plus intéressant est d'avoir retrouvé un grand nombre de poteries et de céramiques qui datent toutes de la période hellénistique (entre -300 et -67 avant Jésus-Christ) et de la période romaine tardive (de -67 au 1er siècle après Jésus-Christ), ainsi que les restes des murs d'une maison composée de plusieurs petites pièces et d'une cour, qui date aussi de la période hellénistique et de la période romaine tardive. Très intéressants aussi les ustensiles de cuisine en pierre retrouvés, caractéristiques des familles juives pieuses à cause des règles de pureté rituelles (cf. Traité Mishna Kelim). Il y avait déjà de nombreux éléments à Nazareth pour attester de l'existence de cette petite ville juive au temps du Christ, mais on n'avait jusqu'ici jamais découvert les restes d'une maison. Et celle-ci est située à 100 mètres à peine du lieu de l'Annonciation !
     

    ZENIT - Ces découvertes se situent en effet en un lieu spécialement bien placé !

    O. Bonnassies - C'est quelque chose que nous n'avions pas remarqué tout de suite, mais le futur Centre international Marie de Nazareth sera situé au centre d'un tout petit quadrilatère d'à peine 300 mètres de côté, qui définit, selon la Tradition, le cœur du cadre de vie historique de la vie de Jésus et de la Sainte Famille, pendant trente ans à Nazareth : entre la maison de Marie, l'atelier de Joseph, la Synagogue, et le Tombeau du Juste, souvent aussi attribué à Joseph.
     

    ZENIT - Pouvez-vous décrire rapidement ces lieux et les découvertes archéologiques qui y ont été faites ?

    O. Bonnassies - Le plus important lieu de Nazareth est évidemment la grotte de l'Annonciation, creusée dans la roche, qui est, selon la grande Tradition de l'Eglise, le lieu de l'annonce de l'Ange Gabriel à la Vierge Marie. C'est au dessus de ce lieu saint qu'est construite la Basilique de l'Annonciation, au cœur de Nazareth et de son mystère. « L'Ange entra chez elle » dit l'Evangile. La maison de Marie s'appuyait avec trois murs sur cette roche, comme beaucoup d'habitation de Galilée, et comme la maison qui vient d'être découverte : les parties creusées dans la roche, « bâties sur le roc » comme dit l'Evangile, sont solides, fraîches l'été et tempérées l'hiver. Mais les départs de murs qu'on voit creusés dans la roche ont été vidés. On a retrouvé aussi une dizaine de citernes creusées dans la roche dans ce périmètre, ce qui prouve le souci de toujours d'économiser et de bien utiliser l'eau. Le niveau du premier siècle est visible jusqu'à l'extérieur de la Basilique. Le P. Bagatti, qui a conduit les fouilles pour les franciscains dans les années 60 a publié deux ouvrages sur les découvertes de Nazareth. On a retrouvé là des céramiques du 1er siècle en petit nombre et beaucoup d'autres du III° siècle. Le numéro du Monde de la Bible consacré à Nazareth résume bien tout cela.
     

    ZENIT - Et quels sont les autres éléments archéologiques retrouvés à 100 mètres de là, sous l'Eglise Saint Joseph ?

    O. Bonnassies - On a retrouvé sous l'Eglise Saint Joseph des bains rituels pas faciles à dater mais certainement très anciens. Une tradition orale attribue ce lieu à Saint Joseph, parce que ce serait l'atelier de Joseph. Cela peut paraître léger mais il faut vraiment se garder de mépriser les traditions orales locales. Mgr Marcuzzo, évêque latin à Nazareth, qui accompagne le projet « Marie de Nazareth » nous rappelle souvent que ces traditions sont très sérieuses et qu'elles n'ont jamais été prises en défaut par l'archéologie. Au contraire, les découvertes archéologiques les ont toujours confortées.
     

    ZENIT - Y a-t-il des exemples ?

    O. Bonnassies - Il y en a un très beau, à Nazareth même : lorsque les Sœurs de Nazareth se sont installées ici au XIX° siècle, elles ont acheté un terrain qui était connu localement comme celui du « Tombeau du Juste », mais aucun élément ne pouvait laisser penser à la vérité de cette tradition. Les Sœurs croyaient même qu'on leur disait cela simplement pour leur faire payer le terrain plus cher ! Mais quelques dizaines d'années plus tard, une sœur qui travaillait le sol a vu celui-ci se dérober sous elle et elle est tombée d'un étage, découvrant une cavité, qui s'est révélée de l'époque croisée. Les chercheurs alertés se sont mis à creuser et à fouiller parce que les éléments croisés sont le plus souvent construit sur des ruines byzantines, qui elles-mêmes sont bâties sur des éléments importants du 1er siècle. Les découvertes locales que l'on peut aujourd'hui visiter (en demandant aux Sœurs de Nazareth !) ont été vraiment impressionnantes et 4 niveaux ont été dégagés, avec des maisons, des citernes, des mikvés (bains rituels) et une voie romaine au dessous de laquelle, au plus bas, se trouve un magnifique tombeau princier du 1er siècle, creusé dans la roche et fermé avec une pierre à rouler. Il y avait bien ici un « Tombeau du Juste » et ce tombeau pourrait très bien être celui de Joseph, le Juste (Mt 1,19), digne d'un prince de la maison royale de David. On y a retrouvé aussi des céramiques du 1er siècle.

    ZENIT - Comment en être sûr ?

    O. Bonnassies - Il n'y a pas de preuves formelles, mais le début du projet « Marie de Nazareth » a commencé par une prière à Saint Joseph sur le Tombeau du Juste, et elle a été immédiatement exaucée ! Ce Tombeau est le troisième côté du quadrilatère.
     

    ZENIT - Et quel est le quatrième ?

    O. Bonnassies - La Synagogue de Jésus, à côté de laquelle se trouve l'Eglise Melkite. L'édifice que nous voyons aujourd'hui date de la fin du XVIII° siècle, et il n'y a eu aucunes fouilles en ce lieu, mais il y a une tradition. C'est ici qu'on se souvient que Jésus priait à la Synagogue et qu'elle représentait aussi un lieu très important pour lui, comme sa maison, son atelier de travail et le Tombeau de son père putatif. Le Centre marial que nous construisons aura la grâce de se situer au beau milieu de ces quatre lieux de vénération de la mémoire du Christ et de sa Mère, au cœur du mystère de Nazareth. Il faut se souvenir de l'homélie marquante de Paul VI, en 1964, qui est restée ici dans toutes les mémoires : « Nazareth est l‘école où l'on commence à comprendre la vie de Jésus : l'école de l'Evangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer (...). Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble école de Nazareth, comme nous voudrions, près de Marie, recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines ! Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l'éducation, jamais achevée, à l'intelligence de l'Evangile, mais nous ne partirons pas sans avoir recueilli à la hâte et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth. Leçons de silence, de vie familiale, de prière, de travail » (le 5 janvier 1964)
     

    ZENIT - Jésus a donc connu la maison qui a été découverte ?

    O. Bonnassies - Jésus a passé ici l'essentiel des trente premières années de sa vie, comme l'Evangile l'atteste. On ne peut pas imaginer un seul instant qu'il n'ait pas parfaitement connu cette maison située si près de ses lieux de vie. Jésus, Marie et Joseph ont connu cette maison.
     

    ZENIT - Quelles sont les autres découvertes faites à l'occasion de ces fouilles ?

    O. Bonnassies - Lorsque nous avons commencé les travaux du Centre marial, on nous avait signalé une citerne creusée dans la roche à 50 m de la cour de l'école. Nous en avons trouvé deux autres, dont une très grande, de 7 mètres de haut et de 4 mètres de large. Les archéologues israéliens en ont trouvé une autre, qui n'est pas encore totalement dégagée, et à côté de laquelle se trouve un trou taillé dans la roche, sans doute pour poser les jarres qu'on remplissait d'eau.

    Il y a aussi une cachette, creusée dans la roche, qu'on a retrouvé dissimulée sous une pierre taillée, et entièrement vide. On peut y mettre 5 à 6 personnes.

    Enfin, en plus des restes de la période hellénistique et romaine, il y a un épais mur mamelouk du XV° siècle, moins intéressant sur le plan archéologique, qui sera peut-être enlevé.
     

    ZENIT - Y a-t-il d'autres lieux remarquables à Nazareth sur le plan archéologique ?

    O. Bonnassies - En dehors des 5 lieux dont nous venons de parler, qui sont tous dans le périmètre proche du Lieu saint de l'Annonciation, il y a un autre lieu très antique : c'est la Fontaine de Nazareth, située à 500 mètres de la maison de Marie, vers le nord. On pense que le village antique s'étalait entre ces deux lieux : de la Fontaine au Tombeau du Juste, car les tombeaux étaient à l'extérieur des villes, pour des raisons de pureté rituelle. La Fontaine date certainement aussi du temps du Christ : les fouilles réalisées en l'an 2000 en ce lieu ont permis de retrouver un « cardo », une voie romaine, qui passe à côté. Une très belle Eglise orthodoxe est bâtie sur ce lieu où une tradition évoque une première rencontre de la Vierge avec l'Ange Gabriel, avant l'Annonciation.
     

    ZENIT - Y a-t-il autre chose encore ?

    O. Bonnassies - Oui, il y a beaucoup de choses à Nazareth. Il faut aussi signaler la découverte à partir de 2003 de thermes d'une taille impressionnante, à 4,5 m en dessous du sol, à 50 mètres de la Fontaine. Les céramiques et monnaies retrouvées sont arabes et musulmanes, comme aux thermes de Jéricho de l'époque Omeyyade, qui imitent les thermes romains de Bet Shéan, avec des hypocaustes différents. On peut les dater du 7° ou 8° siècle mais la taille des fours à bois confirme qu'il y avait depuis les origines et jusqu'à cette époque de très grandes forêts autour de Nazareth, pour permettre le chauffage régulier de si grandes quantités d'eau. Ces forêts ont disparu à l'époque moderne, à cause d'un impôt sur les arbres imposé par un Sultan et de coupes systématiques pour alimenter les chemins de fer. Tout cela a changé en quelques décennies le climat et l'environnement qui est devenu désertique et rocailleux, mais il faut se représenter la Nazareth antique d'une toute autre manière. Comme un pays où vraiment « ruisselle le lait et le miel » comme dit la Bible. C'était le grenier d'Israël avec une terre très fertile. L'historien juif Flavius Josèphe, en témoigne dans sa relation de la Guerre des juifs : « La Galilée est, dans toute son étendue, grasse, riche en pâturages, plantée d'arbres variés, sa fécondité encourage même les plus paresseux à l'agriculture. Aussi le sol a-t-il été mis en valeur tout entier par les habitants : aucune parcelle n'est restée en friche. Il y a beaucoup de villes, et les bourgades mêmes sont si abondamment peuplées, grâce à la fertilité du sol, que la moindre d'entre elles compte encore quinze mille habitants » (Guerre des juifs 3,42-43)
     

    ZENIT - Ce n'est pas l'idée qu'on se fait de Nazareth et de la Terre Sainte aujourd'hui !

    O. Bonnassies - Nous nous faisons beaucoup de fausses idées ! Par exemple, dans l'Evangile, Nazareth est toujours appelée une ville, du grec "Polis", et non un village, du grec "Komé ", ce qui suppose déjà une certaine taille, entre 50 et 100 maisons d'après les estimations. Autre exemple, au niveau de la topographie : si les collines n'ont sans doute pas beaucoup bougé dans leur forme générale, la route qui longe la Basilique de l'Annonciation était jusqu'au XVIII° siècle un ravin dans lequel coulait un petit ruisseau. Autre idée reçue à corriger : tous les restes du 1er siècle retrouvés ici comme à Jérusalem montrent la qualité des constructions, des pierres taillées, des objets, qui sont la marque d'une civilisation très accomplie, loin des caricatures que l'on en fait parfois dans les images ou dans les films, qui montrent le peuple de Jésus et de Marie vivant comme des primitifs dans des taudis à peine construits ou dans la saleté.
     

    ZENIT - Quel est le cœur du mystère de Nazareth ?

    O. Bonnassies - Il faut venir le découvrir sur place, le demander aux habitants ou à la Sœur de l'accueil du couvent des Clarisses de Nazareth, qui en parle magnifiquement ! On peut dire avec elle que Dieu a choisi un lieu tout simple. Lorsqu'elle était jeune fille, et fiancée à Joseph, la Vierge Marie vivait heureuse, à Nazareth, dans cette petite ville de campagne, loin du monde, et sans autre désir qu'une vie très simple, sous le regard de Dieu, à l'écoute de sa Parole. Elle aurait été très heureuse de vivre toute sa vie ainsi, très simplement, à Nazareth, dans la prière, l'attente du Messie et la méditation des promesses faites à son Peuple. Mais Dieu l'a choisie, entre toutes les femmes, pour son projet éternel. C'est en cet humble lieu de Nazareth qu'il a voulu que se réalise l'attente de tous les siècles. C'est ici que l'Eternel a voulu entrer dans le temps et changer le cours de l'Histoire des hommes. Et c'est au Oui de Marie à son Oui qu'Il a voulu suspendre tout le salut du monde.
     

    ZENIT - Nazareth reste donc à visiter ?

    O. Bonnassies - Oui, c'est la ville de l'Incarnation, là où il y a le plus de chrétiens en Terre Sainte. Lors du dernier voyage du Saint Père Benoît XVI en Terre Sainte, c'est à Nazareth qu'il y a eu le plus grand engouement populaire et la joie la plus enthousiaste, parce que Nazareth est la ville de Terre Sainte où les chrétiens sont les plus nombreux, les plus présents et les plus vivants. Jean-Paul II lors de son passage en l'an 2000 avait fait aussi de sa visite à Nazareth, le 25 mars, le sommet de son pèlerinage, puisque le grand Jubilé célébrait le 2000ème anniversaire de l'Incarnation, ici, à Nazareth, dans le sein de la Vierge Marie. Comme Charles de Foucauld, nous avons tous besoin de revenir à Nazareth et d'y demeurer, pour grandir avec Jésus, entre Marie et Joseph, dans la simplicité, l'humilité et la louange.
     

    ZENIT - Et où en est le projet Marie de Nazareth ?

    O. Bonnassies - Le Centre international Marie de Nazareth devrait ouvrir ses portes fin 2010, mais la chapelle qui est située au sommet, sur les terrasses, avec une vue imprenable sur la Basilique, sera consacrée dès le 25 mars 2010, par le Patriarche Latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal accompagné de plusieurs évêques de Terre Sainte. C'est une manière de continuer à tout confier d'abord à la Providence de Dieu parce qu'il faudra encore beaucoup d'efforts et beaucoup de travail pour tout terminer !
     

    Source www.zenit.org  


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  • Une vierge enceinte : annonce prophétique ou relecture chrétienne?

    QQuel est le passage biblique de l’Ancien Testament, dans la littérature prophétique, qui parlerait d’une vierge qui enfanterait un Messie à venir? Est-ce que ce passage annonçait clairement la naissance de Jésus?

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    RLe passage en question est Isaïe 7,14. En voici le texte selon la Bible de Jérusalem : « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » Le contexte original du livre situe l’oracle au temps des guerres syro-éphraïmites, dans les années 734-733 avant notre ère. Vu la montée de l’empire assyrien, le roi de Damas Raçôn et le roi d’Israël Péqah (737-732) voulurent entraîner Achaz (736-716), le jeune roi de Juda, dans une espèce de « guerre préventive » contre le roi assyrien Téglat-Phalasar III (745-727). Comme le roi Achaz refusait de joindre la coalition, les deux rois l’attaquèrent. Achaz fit alors appel à l’Assyrie pour recevoir de l’aide et le roi Téglat-Phalasar ravagea la région (voir 2 Rois 15–16). Finalement, l’empire assyrien prit la ville de Samarie, capitale du royaume du Nord, en 721 avant notre ère (voir 2 Rois 17). Plus tard, le roi assyrien Sennachérib (704-681) mit le siège devant Jérusalem en 701 mais ne put la prendre (voir Is 36–37 et 2 Rois 18).

         
    Cette époque troublée est celle où le prophète Isaïe a exercé son ministère. Proche de la cour et avec des idées politico-religieuses bien définies, Isaïe essaya vainement de s’opposer à la politique trop humaine, selon lui, du jeune roi Achaz. Il rejeta la capitulation devant les alliés syriens et israélites qui avaient l’intention de s’emparer de Jérusalem pour y placer un souverain en accord avec leurs vues. Il condamna également le projet d’Achaz, qui, face au danger, voulut faire appel aux Assyriens; il exigea du roi Achaz une politique de résistance et de fermeté, fondée sur les promesses de Dieu à David et à Sion. Les déclarations du prophète durant cette crise se lisent en particulier dans les chapitres 7–11, appelés le « livre de l’Emmanuel ». Le mot d’ordre en est : « Ne crains pas, crois seulement » (7,1-9), confirmé par la parole sur l’Emmanuel (7,10-17; voir aussi 9,7-20 et 5,25-29).
     

         Dans le cas précis qui nous occupe ici, Isaïe annonce que la délivrance de la menace assyrienne et des coalisés viendra d’un descendant du roi. La mère du roi est désignée en hébreu par le mot ‘almah, qui signifie une jeune fille. La plupart des spécialistes pense que la prophétie s’applique d’abord à Ézéchias (716-687), le fils et successeur d’Achaz, ou un autre de ses successeurs, qui reçoit le nom symbolique d’« Emmanuel » qui signifie « Dieu avec nous ». C’est que, généralement, les annonces des prophètes concernaient des événements proches. En effet, on conçoit assez mal que le prophète réponde au danger imminent des armées s’avançant sur Jérusalem par une prophétie dont l’accomplissement arriverait plusieurs décennies, voire plusieurs siècles plus tard.
     

         Mais les oracles des prophètes sont relus et réactualisés à chaque époque. Ainsi, la relecture du prophète Isaïe dans les siècles suivants de la figure de l’Emmanuel a appliqué le salut et la victoire qu’il apportait à d’autres réalités. C’est là un phénomène constant et normal avec les textes bibliques. C’est-à-dire qu’à partir d’un sens original qui visait une situation historique précise, les générations suivantes ont appliqué l’oracle à une situation similaire. C’est ce phénomène de relecture qui fait que notre Bible est la Bible. En d’autres termes, la capacité d’appliquer les oracles à des situations semblables ou d’actualiser les textes. Si ce phénomène n’existait pas, les croyants de toutes les époques n’auraient pas pu appliquer à leur situation des textes qui avaient été prononcés ou écrits dans d’autres siècles. Ainsi, d’un roi qui délivrait de la menace des armées ennemies au VIIIe siècle avant notre ère, on est passé à un autre roi (un « messie », puisque ce mot signifie « celui qui a reçu l’onction royale »), descendant de David, qui délivre des maux et des dangers d’un autre ordre.
     

         Une des relectures et réinterprétations d’Is 7,14 qui a été marquante, a été la traduction de l’Ancien Testament en grec, appelée la « Septante ». Dans le grec, le texte dit : « Voici que la vierge est enceinte... ». C’est ce texte grec qui a été cité dans l’Évangile de Matthieu (1,23) et appliqué à la Vierge Marie et à Jésus Christ.

         L’oracle original d’Is 7,14 prophétisait-il donc clairement la naissance de Jésus Christ? Non, si tout était clair, il n’y aurait plus de place pour la foi. Ce sont les générations croyantes des siècles suivants qui ont relu et actualisé le texte à la lumière des événements du Nouveau Testament. Cette application de l’oracle à Jésus Christ est donc tout à fait correcte et fait partie de notre tradition de lecture. Ce qu’il importe pour nous est de distinguer les différents niveaux d’interprétation légitimes.
     

         On a ici un exemple frappant de la vie des textes bibliques au sein de la communauté croyante qui lit et relit les textes, qui les interprète et les réinterprète. C’est ce que l’Église appelle la « tradition interprétative ».

    Hervé tremblay

     

    source www.interbible.org

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  • Jésus et la Terre Sainte

    Les visiteurs de la Terre Sainte qui désirent « marcher sur les pas de Jésus » sont parfois un peu surpris les premiers jours lorsqu’ils réalisent que l’identification précise des lieux bibliques est plus compliquée qu’elle n’apparaît à première vue. Plusieurs lieux rattachés à des passages des évangiles sont plus folkloriques qu’historiques. En d’autres mots, Jésus n’est pas toujours là où on le cherche...

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    Les vestiges d’une Béthanie... en Jordanie!
    (photo : C. Boyer)

    « Que cherchez-vous? » (Jn 1,38)

         Les évangiles mentionnent plusieurs lieux dont on a perdu la trace et qu’il est difficile, parfois impossible, de situer. C’est le cas de Béthanie, par exemple. On peut visiter une localité de ce nom aujourd’hui près de Jérusalem, de l’autre coté du mont des Oliviers, mais on peut aussi en visiter une autre, située en Jordanie et portant le nom de « Béthanie-au-delà-du-Jourdain ». Même chose pour Cana : deux villages de Galilée portent ce nom. Quant à Emmaüs, au moins cinq emplacements ont été suggérés.

         Il y a aussi des épisodes dont les évangiles ne précisent pas l’emplacement géographique. Lorsqu’il est question d’une montagne ou d’une colline par exemple, comment savoir laquelle est-ce, il y en a tellement en Terre Sainte! Où situer cette montagne où Jésus a été transfiguré (Mc 9,2-8)? Sur l’actuel mont Thabor? Et sur quelle colline Jésus a-t-il prononcé ses Béatitudes (Mt 5,1-12)? Sur celle que l’on a appelée le « mont des Béatitudes »? Peut-être, encore que selon l’évangile de Luc, ce n’est pas sur une montagne, contrairement à l’évangile de Matthieu, mais dans une plaine que Jésus a prononcé ses Béatitudes (Lc 6,17-23). Et puis... Jésus a sans doute annoncé des béatitudes à plus d’un endroit...

         Parfois, les évangiles fournissent des informations géographiques, mais celles-ci ne sont pas toujours assez précises pour pouvoir identifier le lieu même où tel épisode a eu lieu. Les évangiles précisent par exemple que c’est à Jérusalem que Jésus a pris son dernier repas en compagnie de ses apôtres (Mc 14,12-16), mais est-ce vraiment dans le « Cénacle » qui se trouve actuellement sur le mont Sion? Les évangiles indiquent aussi que l’arrestation de Jésus par les gardes du grand prêtre a eu lieu dans un jardin du mont des Oliviers (Jn 18,1). Mais est-ce précisément dans le « jardin des oliviers » que l’on peut visiter aujourd’hui? Ou un peu plus loin? Et ensuite Jésus a-t-il vraiment été emmené sur le lieu que l’on présente comme le site de la « maison de Caïphe » (Mt 26,57) situé aujourd’hui dans le quartier arménien?

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    Le « jardin des Oliviers », près de l’église de Toutes-les-Nations sur le mont des Oliviers.
    (photo : C. Boyer)

         Autres éléments à considérer : l’historicité de certains événements ainsi que l’existence de certains personnages des évangiles ne doivent pas toujours être pris au pied de la lettre. Inutile, donc, de chercher à les rattacher à des lieux précis. Le meilleur exemple est sans doute l’auberge du bon Samaritain, que l’on peut visiter aujourd’hui non loin de Jéricho. Il faut simplement oublier le temps de la visite que cet épisode des évangiles est une parabole racontée par Jésus... (Lc 10,25-37).

         D’autres localisations n’ont pas de fondement biblique précis et sont plutôt tirées d’écrits postérieurs, comme les évangiles apocryphes et les Pères de l’Église. C’est le cas de la « Grotte de la Nativité », à Bethléem. Jésus est-il né dans une grotte? Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas ce que disent les évangiles, même que le texte grec de l’évangile de Matthieu laisse plutôt croire que Jésus est venu au monde chez Joseph, tout simplement (Mt 1,24-25).

    « Cherchez et vous trouverez » (Mt 7,7)

         Pour comprendre la présence en Terre Sainte de tous ces lieux bibliques dont plusieurs ont un lien très ténu avec l’histoire, il faut se rappeler que ce sont des pèlerins chrétiens qui, dès les premiers siècles de notre ère, furent parmi les premiers à identifier certains sites de Terre Sainte avec des passages de la Bible. Leur souci, cependant, n’était pas la valeur historique de l’association, mais sa valeur symbolique et spirituelle.

         Lorsque les pèlerins s’arrêtaient pour se reposer et pour se revitailler, ils en profitaient pour prier et se recueillir. Et bien sûr, ils méditaient sur tel ou tel épisode biblique qui aurait pu s’être déroulé à cet endroit. Si les pèlerins s’arrêtaient à telle source, sans doute en profitaient-ils pour se rappeler la rencontre de Jésus et la Samaritaine au puit de Jacob (Jn 4,1-42). Et lorsqu’ils faisaient halte à l’ombre d’une montagne au désert, peut-être se commémoraient-ils les tentations que Jésus a eu à subir (Mt 4,1-11). À la longue, on a associé ce lieu de halte à l’épisode biblique lui-même.

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    Le puits de Jacob, à Naplouse.
    (photo : C. Boyer)

         Il y a ainsi, en Terre Sainte, bien d’autres lieux que la tradition a rattachés à différents passages des évangiles dès les premiers siècles et jusqu’à nos jours, mais qui n’ont aucun lien véritable avec l’histoire. On peut donc aujourd’hui visiter l’arbre dans lequel monta Zachée à Jéricho... ou encore le rocher sur lequel s’était posé Jésus lorsqu’il multiplia les pains en Galilée... le trajet exact emprunté par Jésus portant sa croix à Jérusalem...  et même le lieu précis où Jésus aurait amorcé son ascension au ciel à partir du mont des Oliviers et qui porte encore la trace de son pied...

    « Cherchez d’abord son royaume et sa justice » (Mt 6,33)

         À ceux qui seraient tentés d’être un peu attristés par le coté légendaire de plusieurs lieux saints, il faut rappeler deux choses. Premièrement, le christianisme est une religion qui s’inscrit fortement dans l’histoire; le message de Jésus, pour être valide, doit absolument s’être incarné dans un individu ayant réellement existé à une époque précise et dans un lieu identifiable. Et c’est exactement le cas : le personnage de Jésus a véritablement existé et il a bien vécu en Terre Sainte au début du premier siècle de notre ère. Le reste est très important et intéressant dans une perspective historique, mais est beaucoup plus intéressant qu’important dans le cadre de la foi.

         Dès lors, il est normal que pour les chrétiens les lieux saints agrémentent la foi et ne lui servent pas de pilliers. Les lieux saints peuvent être très propices au recueillement et à la prière, ils fournissent des occasions de réflexion, mais ils restent secondaires. Est-ce que la personne de Jésus perd de sa valeur du fait qu’on ne puisse pas identifier avec certitude les différents lieux qu’il a visités lors de ses déplacements en Terre Sainte? Bien sûr que non. Est-ce que les Béatitudes et les paraboles de Jésus perdent leur sens si on ne sait pas précisément sur quelle colline Jésus était assis lorsqu’il les a prononcées? Sûrement pas. La pertinence du message de Jésus ne dépend pas du tout de la valeur historique des lieux saints.

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    Vue sur le lac de Tibériade à partir du « mont des Béatitudes ».
    (photo : C. Boyer)

         Deuxième chose : existe-il des sites bibliques réellement historiques en Terre Sainte? Bien sûr, et il y en a plusieurs qui sont rattachés précisément à l’histoire de Jésus. On ne peut pas souvent affirmer avec certitude « Jésus a marché ici et là précisément », mais bien des sites peuvent être identifiés avec un haut degré de certitude comme ayant réellement été fréquentés par Jésus. C’est le cas par exemple de certaines localités de Galilée, notamment Capharnaüm, où ont été retrouvés des restes d’habitations de l’époque de Jésus ainsi que les fondations d’une synagogue du Ier siècle (voir Mc 1,21).

         C’est aussi le cas de Jérusalem, bien sûr, dont la vieille ville actuelle chevauche celle de l’époque de Jésus sur à peu près la moitié de sa superficie. Les murailles et les portes actuelles ne sont pas celles qu’a franchies Jésus et la ville qu’a connue ce dernier était plus basse de quelques mètres par rapport au niveau actuel, mais la Jérusalem de l’époque n’est pas totalement perdue. On peut par exemple visiter, sous une partie de la vieille ville, le « Quartier hérodien », qui présente les restes de riches habitations détruites lors de la guerre juive de 66-70 et qui représentent tout-à-fait le type de demeure dans laquelle vivaient Caïphe et les autres grand-prêtres. On peut aussi visiter les restes du palais d’Hérode, qui servait de résidence aux gouverneurs à l’époque romaine et qui est probablement l’endroit où Jésus fut condamné à mort par Pilate (Mc 15,1ss).

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    Le sous-sol de la vieille ville de Jérusalem contient des vestiges
    de riches demeures juives datant du Ier siècle.
    (photo : C. Boyer)

         Le temple de Jérusalem n’existe plus, il a été détruit par les Romains durant la guerre juive, mais le grand parvis sur lequel il était érigé et où s’est vraisemblablement déroulé l’épisode des marchands du temple est encore accessible (Mc 11,15-18). Une partie du mur qui entourait ce parvis est d’ailleurs toujours debout, c’est le fameux mur des Lamentations. Et un peu plus au sud, on peut visiter un site archéologique comportant les restes d’escaliers et de bains rituels associés au temple ainsi que le tracé de deux portes qui donnaient accès à l’esplanade.

         Lorsque Jésus se rendait à Jérusalem à partir du mont des Oliviers, il avait nécessairement sous les yeux les tombeaux de la vallée du Cédron, qui sont encore debouts aujourd’hui. Et à Jérusalem, il a fort possiblement emprunté l’escalier de pierre datant de l’époque hasmonéenne qui se trouve aujourd’hui sur le terrain de l’église Saint-Pierre-en-Gallicante et qui est toujours accessible.

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    Cet escalier à Jérusalem existait et était utilisé à l’époque de Jésus.
    (photo : C. Boyer)

    « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts » (Lc 24,5)

         Certains sites qu’on peut associer à Jésus étaient à son époque situés hors des murs de Jérusalem mais sont aujourd’hui à l’intérieur des murailles actuelles de la vieille ville. C’est le cas de la piscine de Bethesda, cette « piscine aux cinq portiques » où l’évangile de Jean situe la guérison d’un infirme par Jésus (Jn 5,1-18). C’est le cas aussi de ce qui pourrait bien avoir été le lieu du Golgotha ainsi que le lieu de la tombe de Jésus et qui ont été intégrés à l’église du Saint-Sépulcre; on peut en effet y voir les restes d’un monticule ainsi que les tombes d’un cimetière utilisé au Ier siècle de notre ère.

         Bien sûr, il y a toujours les différentes régions de la Terre Sainte, qui sont rattachées à leur façon à divers passages des évangiles. Notamment la Galilée, où Jésus a passé la majeure partie de sa vie, et le pourtour du lac de Tibériade, qu’il a fréquenté avec ses disciples. Il y a aussi le fleuve du Jourdain, où Jésus a été baptisé par Jean Baptiste (Mc 1,4-11), et qui, avant de se déverser dans la mer Morte, passe non loin de Jéricho, où Jésus a guéri le mendiant aveugle Bartimée (Mc 10,46-52).

         Comme on le voit, des sites en Terre Sainte qui bénéficient d’un haut degré de certitude quant à leur rapport historique avec Jésus, il en existe. Si tous les lieux saints n’ont pas le fondement historique qu’on leur souhaiterait et s’il faut souvent beaucoup d’imagination pour se représenter la Palestine à l’époque de Jésus même en étant sur place, Jésus n’est jamais vraiment très loin.

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    Chrystian Boyer


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  •  Que devons-nous faire? La prédication de Jean le Baptiste :

    Luc 3, 10-18 Autres lectures : Sophonie 3, 14-18a; Psaume : Isaïe 12; Philippiens 4, 4-7

     

    Jean-le-Baptiste.jpg À la veille de Noël la prédication de Jean Baptiste retentit encore comme un appel à la conversion : Produisez donc des fruits dignes du repentir … tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu (Lc 3, 8-9). Le temps de Noël suscite chaque année toutes sortes d’initiatives en faveur des enfants, des pauvres, des malades mais, au-delà de ces gestes généreux, produit-il un changement profond, une véritable conversion? C’est pourquoi la question posée à Jean par ses auditeurs demeure d’actualité : Que devons-nous faire?La réponse de Jean Baptiste    

     

    On est frappé par la différence de ton entre le discours de Jean  (vv. 7-9), d’une rare violence et les réponses données à ses interlocuteurs (vv. 10-14) qui paraissent des solutions de simple bon sens, sans exigence particulière. Bien sûr, on peut expliquer ce contraste par les sources différentes utilisées par Luc (les versets 7-9 ont leur parallèle en Mt 3, 7-12 alors que les versets 10-14 sont propres à Luc). En procédant ainsi Lucmontre que la véritable conversion ne consiste pas en des gestes spectaculaires ni en l’adoption d’un mode de vie singulier. Jean n’exige pas que l’ensemble de la population adopte son régime  (cf. Lc 3,4) mais il demande que soient respectées les exigences fondamentales de l’Alliance : On t’a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu (Mi 6,8; voir aussi : Dt 10, 10-13; Os 12,7).Celui qui a deux vêtements… (v. 11)    

     

    La première question adressée à Jean vient des foules (v. 10). On doit donc comprendre la réponse comme une règle générale applicable à tout le monde. Jean reprend un enseignement déjà bien connu de l’Ancien Testament, le partage avec les plus pauvres. Pour lui il s’agit d’une exigence de base : Certes, les pauvres ne disparaîtront point de ce pays; aussi, je te donne ce commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays (Dt 15, 11; cf. aussi : Is58, 6-7). À travers toute son œuvre, Luc est particulièrement préoccupé de montrer comment le souci des pauvres fait partie de l’existence chrétienne et comment l’avènement du Royaume doit changer concrètement le sort des plus démunis (cf. Lc6,20; Ac 4, 34-35).Des publicains vinrent aussi se faire baptiser (v. 12)    

     

    L’intérêt de Luc pour les publicains est bien connu. La présence de certains d’entre eux auprès de Jean Baptiste révèle que tous n’étaient pas des exploiteurs sans scrupules; quelques-uns au moins désiraient se convertir et se préparer à la venue du Royaume de Dieu : Tout le peuple qui a écouté, et même les publicains, ont justifié Dieu en se faisant baptiser du baptême de Jean (Lc 7,29). La suite de l’évangile montre que plusieurs d’entre eux étaient proches de Jésus (cf. Lc 5, 29-32; 15,1); certains devinrent même des disciples (cf. Lc 5, 22-28; 19, 1-10); enfin c’est le publicain qui se reconnaît pécheur qui est justifié par Dieu de préférence au Pharisien irréprochable (Lc 18, 9-14).    

     

    Les publicains n’appartenaient pas aux classes sociales les plus défavorisées mais ils étaient quand même marginalisés à cause de leur collaboration avec les Romains et du fait de leurs pratiques souvent douteuses dans la manière d’exercer leurs fonctions. Luc s’intéresse à eux parce que , comme les bergers (cf. Lc 2, 8-20) et les pécheurs en général (cf. Lc 5, 30-32; 15, 1-2), ils appartiennent à une catégorie d’exclus pour lesquels la Bonne Nouvelle du Royaume est particulièrement importante (cf. Lc 4, 18-19). Contrairement aux Pharisiens, qui exigeaient des publicains qu’ils abandonnent leur métier pour pouvoir participer pleinement à la vie de la communauté juive, Jean se contente de demander qu’ils exercent leurs fonctions avec probité, sans profiter de la situation pour s’enrichir. Une manière de montrer qu’on peut être fidèle à Dieu même en exerçant un métier méprisé.Ne faites ni violence ni tort (v. 14)    

     

    On ne sait pas si les soldats venus entendre Jean Baptiste sont des Romains ou des Juifs engagés comme mercenaires. Dans la suite de l’œuvre de Luc les militaires romains sont présentés de manière plutôt positive (par exemple : le centurion de Capharnaüm, Lc 7, 1-10; le centurion témoin de la mort de Jésus, Lc 23,47; les militaires chargés de garder Paul, Ac 23, 16-22; et surtout le centurion Corneille, Ac 10). Dès l’entrée en scène de Jean Baptiste, Luc montre que la carrière militaire n’est pas incompatible avec une vie droite  à la condition qu’on fasse son métier avec justice, en respectant les personnes et les biens. À l’époque il s’agissait presque d’une révolution si on considère les prises de positions résolument hostiles aux Romains et à leurs alliés qu’on trouve, entre autres, dans certains des écrits de Qumran.Le peuple était dans l’attente (v. 15)    

     

    Il suffit de lire quelques pages de Flavius Josèphe pour se rendre compte du climat d’agitation qui régnait dans la région au début de l’ère chrétienne (par exemple : Guerres 2, 6). On peut comprendre l’attente du peuple qui souhaite la paix et la tranquillité … avec en prime, si possible, la liberté.    

     

    L’idée de l’attente prend, à l’occasion, un sens théologique en lien avec la venue du Royaume de Dieu (cf. 2 Pierre 3, 12-13). Le contexte, dans l’évangile, suggère que l’attente du peuple se rapporte à la venue du messie sans préciser ce que recouvre ce titre. Jean refuse pour lui-même cette fonction et il expose, dans un petit discours, sa vision du messie (vv. 16-17).    

     

    Celui qui vient est plus puissant que Jean (v. 16) à un point tel que celui-ci ne se sent pas digne de s’humilier devant lui pour détacher ses chaussures. Cette comparaison montre la distance qui sépare Jean de ce mystérieux personnage dans lequel les chrétiens ont reconnu Jésus. Deuxième caractéristique : Il vous plongera dans l’Esprit Saint et le feu (v. 16). Notre manière de célébrer le baptême dans l’Église latine, même si elle présente d’incontestables avantages sur le plan pratique, nous fait oublier la force du mot «baptiser» qui signifier : plonger, immerger. Pour un familier de l’Ancien Testament, être plongé dans le souffle et dans le feu  évoque des images de jugement :Il fera pleuvoir sur les impies charbon de feu et souffre et dans leur coupe un vent de flamme pour leur part  (Ps 11 (10), 6). En même temps, Luc prépare déjà la scène de la Pentecôte où le feu et le vent violent seront associés au don de l’Esprit Saint (Ac 2, 2-4).
     

    Enfin la perspective du jugement est affirmée plus clairement encore dans l’image du vanneur qui sépare le grain de la paille (v. 17).     Luc conclut en déclarant que ces propos  sont Bonne Nouvelle (v. 18). Malgré son ton menaçant, l’enseignement de Jean amorce les temps nouveaux; la venue du Royaume est imminente, il faut se convertir. Du point de vue chrétien, il prépare l’apparition de Jésus dans la vie publique; en ce sens on peut l’appeler Évangile, Bonne Nouvelle.Soyez toujours dans la joie (Phil 4, 40)    

     

    La source de la joie chrétienne est la bonne nouvelle du salut. Le Seigneur est proche,écrit Paul (Phil 4,5); le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur, disait déjà Sophonie six siècles avant la naissance de Jésus (So 3, 15). Et Jean reprend, comme en écho : Il vient, celui qui est plus puissant que moi (Lc 3,16). La liturgie invite les chrétiens à se réjouir non seulement de la fête de Noël toute proche mais surtout parce que le Seigneur est proche. La célébration de sa venue à un moment précis de l’histoire invite à le reconnaître et à l’accueillir à chaque jour car Dieu a choisi d’habiter ce monde qu’il a créé. Il (le) renouvellera par son amour  (So 3, 17); et la paix de Dieu … gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus (Phil 4,7). 

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    Source www.interbible.org

    Jérome Longtin, prêtre

    Bibliste, Longueuil 

     


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  • Le temps de la fin

    Exhortation à la vigilance (Mt 24, 37-44)
    Autres lectures: Is 2, 1-5 ; Ps 121 (122); Rm 13, 11-14

     

    Le retour de Jésus, la fin des temps et les signes de la fin du monde, la ruine de Jérusalem et du Temple, la mort de chacun : tous ces événements ont l'air d'être mélangés dans les récits qui décrivent la fin du monde et le retour du Fils de l'homme. Pourquoi avoir mis ensemble tous ces événements qui surviennent pourtant à des époques différentes? C'est qu'en Jésus un temps nouveau a été inauguré : c'est l'aujourd'hui du Fils de l'homme. Jésus a inauguré les derniers temps qui, au regard de Dieu, se déroulent comme un seul événement en deux temps : la glorification de Jésus à sa résurrection et son retour glorieux.


         Depuis près de 2000 ans, nous attendons le retour du Fils de l'homme, son avènement (du latin adventus: visite). Le danger qui menace certains, c'est de penser que ce retour va arriver immédiatement, mais le danger qui menace la plupart, c'est de croire que le retour n'arrivera pas et de n'attendre plus rien.

             

         Le temps de l'Avent est celui de l'attente. Non pas l'attente de la naissance de Jésus, mais de son retour. C'est le temps de l'espérance et de la vigilance, car sa venue a tout changé pour nous. En sommes-nous conscients et prêts à rencontrer Jésus qui revient? L'Avent est un temps pour raviver l'espérance, pour préparer le monde au retour du Christ. Au temps de Noé, on mangeait, on buvait, on se mariait. Le déluge est arrivé sans préavis. Jésus s'y réfère non pas sous son aspect de punition à cause de la méchanceté des hommes, mais sous son aspect soudain et inattendu. Les gens ne se sont doutés de rien. Jésus ne signale pas le péché des contemporains de Noé mais leur fausse sécurité. Leur horizon se limitait au plan humain, à leurs propres ressources, aux événements qui dépendent d'eux-mêmes.

                    

         L'humanité d'aujourd'hui est comme anesthésiée. Les progrès matériels, techniques et scientifiques tendent à nous faire croire que nous sommes les maîtres de tout. On croit solide ce monde dans lequel on s'est habitué à vivre. Jusqu'au moment où notre sécurité est remise en question par l'imprévu.

                

         La vocation des croyants et des chrétiens fait d'eux des guetteurs de Dieu. Dans la nuit de l'humanité qui se prolonge, la mission des chrétiens est de veiller, comme le demande Jésus. La pire chose qui puisse arriver aux hommes, c'est que leur coeur, « lassé de tout, même de l'espérance », n'entende plus les pas et la voix de Dieu. Jésus multiplie les images pour nous réveiller (l'éclair, le déluge, le cambrioleur) et nous rappeler notre rendez-vous avec Dieu.







    Source : www.interbible.org

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